lundi 5 novembre 2012

LOYER IMPAYE "DETECTIVE : L'ULTIME RECOURS"

ARTICLE : VOTRE ARGENT / L'EXPRESS

Loyers impayés : une vraie galère pour les propriétaires

Par Enquête : Virginie Franc-Jacob, publié le
C'est la hantise principale des propriétaires ! Et on les comprend : procédures interminables et coûteuses... sans jamais être certain de récupérer son argent, voire son logement.
La presse regorge d'articles sur la galère des locataires, les interminables files d'attente pour visiter un bien, le dossier béton qu'il faut constituer pour obtenir les faveurs du propriétaire... Pas question ici de contester cette réalité douloureuse, particulièrement à Paris et dans certaines grandes métropoles. Toutefois, bien moins médiatisés sont les problèmes des propriétaires bailleurs. Or de leur côté, la vie n'est pas toute rose non plus. Et les ennuis peuvent débuter dès les premières visites. Comme en témoigne Jean-Louis, propriétaire d'une douzaine d'appartements : "Régulièrement, un candidat à la location prend rendez-vous et ne se présente pas, sans même se donner la peine de me prévenir."

La vacance entre deux locations ne cesse d'augmenter

Plus ennuyeux encore, certains déclarent fermement vouloir l'appartement pour se rétracter finalement... le jour de la signature du bail. Bref, on est bien loin de l'image d'Epinal de l'appartement qui, à peine libéré, se reloue dans la semaine avec une belle hausse du loyer en prime. Au contraire, d'après l'observatoire des loyers Clameur, depuis quelques années, la vacance entre deux locataires ne cesse d'augmenter : elle atteint désormais neuf semaines ! Mais c'est après la signature du bail que la vraie galère peut commencer.
Car la hantise principale du propriétaire reste bien évidemment le loyer impayé. A raison d'ailleurs. S'il n'existe pas de chiffres officiels en la matière, les professionnels de l'immobilier sont nombreux à observer une multiplication de ces incidents depuis quelques mois. "Au premier semestre, nous avions 8 % d'impayés de plus qu'à la même période en 2011", constate Nicolas Powilewicz, gérant d'une agence Laforêt Immobilier à Menton (Alpes-Maritimes). Une fois l'impayé constaté, la spirale infernale est enclenchée. "Même lorsque tout se passe le mieux possible, il est rare que la situation soit réglée en moins d'un an,atteste Yves Maurel, directeur adjoint de l'agence départementale d'information sur le logement (Adil) du Gard. Mais la procédure d'expulsion traîne parfois bien plus, atteignant dans certains cas trois ans."

Pendant tout ce temps, non seulement le bailleur ne perçoit plus de loyers, mais il doit continuer à régler les charges, les mensualités de crédit bien souvent et, évidemment, tous les frais liés à la procédure. C'est ainsi qu'en un an à peine, Alain, propriétaire d'un appartement à Bordeaux, a dû faire face à une ardoise de 9 000 euros : 4 500 euros de loyers, mais aussi 500 euros de charges et d'impôts non remboursés, 2 000 euros d'honoraires d'huissier et d'avocat et 2 000 euros de frais de remise en état.

Des garanties souvent inopérantes

La lenteur de la procédure est due en grande partie aux multiples étapes et aux délais à respecter entre chacune d'entre elles. Mais, de surcroît, certains locataires ne se privent pas de freiner davantage encore le déroulé des opérations. "Lorsqu'elle recevait le commandement de payer, ma locataire soldait ses impayés dans les deux mois comme l'exige la loi,relate Edilbert. Mais, pendant ce délai, elle ne réglait pas les loyers des mois en cours. Et il fallait donc lui renvoyer un nouveau commandement, qui lui laissait à nouveau deux mois pour payer..." Epuisant ! Et encore, dans cet exemple, la locataire finissait par payer. Ce n'est pas toujours le cas.

Certes, le bailleur dispose de garanties du type cautionnement ou assurance loyers, mais, dans la pratique, les choses se révèlent souvent bien plus compliquées que sur le papier. "Il arrive fréquemment que la caution soit annulée,constate Malik Farajallah, avocat au barreau de Paris. Surtout lorsque le bailleur n'est pas passé par un professionnel pour la rédaction de l'acte." Parfois aussi, la personne qui s'est portée caution n'est finalement pas solvable. Comme l'a découvert, trop tard, Joël : "La caution de mon locataire dispose de 1 500 euros de retraite. Sa dette envers moi s'élève à près de 10 000 euros et elle doit de l'argent à de nombreux autres créanciers." Bref, Joël va devoir patienter...
Et il ne faut pas fonder trop d'espoirs non plus sur les assurances loyers impayés. Car, là encore, bon nombre de bailleurs ne sont pas à l'abri d'une mauvaise surprise (voir encadré). De guerre lasse, certains propriétaires seraient même prêts à effacer l'ardoise de leur locataire. Pourvu qu'ils puissent récupérer leur logement.


Plusieurs mois ou années avant une expulsion

Mais la loi, très protectrice pour le locataire, met là encore leur patience à rude épreuve. Entre l'assignation du locataire devant le juge d'instance et son éventuelle expulsion, il se passera plusieurs mois au minimum, et souvent plusieurs années : le temps de réaliser une enquête financière et sociale, d'accorder des délais au locataire pour quitter les lieux, de faire intervenir la force publique s'il refuse de s'en aller... Certes, le dossier ne va pas toujours aussi loin. Parfois, le locataire part de lui-même sans attendre la fin de la procédure... Mais non sans avoir laissé quelques souvenirs de son passage.
Moquette abîmée et meubles rognés par le chien : voilà ce qu'a trouvé Florian en récupérant son appartement. "Je ne suis pas le plus à plaindre, admet ce bailleur ayant négocié à l'amiable avec son locataire pour que ce dernier quitte les lieux. Mais la remise en état de l'appartement m'a coûté 2 000 euros et m'a demandé dix jours de travail." Le locataire de Jean-Jacques, quant à lui, avait modifié la distribution des pièces et l'installation électrique sans autorisation. Conséquence : 25 000 euros de travaux à la sortie... à la charge du propriétaire, évidemment, puisque le locataire était parti "à la cloche de bois". Et, dans ce cas, la seule solution pour le retrouver consiste à faire appel à un détective privé.
Pour autant, un bailleur ne peut pas se réapproprier l'appartement sans respecter la procédure. Car, même si le locataire a visiblement quitté le logement, cela ne signifie pas officiellement la fin du bail ! "Tant que vous n'avez pas de décision d'expulsion, le propriétaire ne doit pas s'introduire dans les lieux", rappelle Malik Farajallah. Au risque, sinon, d'être condamné pour violation de domicile, à une peine pouvant atteindre un an de prison et 15 000 euros d'amende.

Récupérer son bien, même inoccupé, n'est jamais simple

D'où des situations ubuesques, telle celle de Norbert, propriétaire d'un studio à Vincennes. Son locataire, en impayé, a quitté les lieux depuis des mois sans lui remettre les clés, mais Norbert ne peut toujours pas faire changer les serrures pour récupérer son logement. "Même s'il y avait une inondation, je serais obligé de demander aux pompiers de forcer la porte pour régler le problème", souligne-t-il. Le bailleur désireux de reprendre possession d'un bien déserté par un locataire mauvais payeur doit commencer par collecter un certain nombre de preuves d'abandon du logement : attestations du voisinage, coupure d'eau, d'électricité, courrier s'accumulant dans la boîte aux lettres... Ensuite, seulement, il pourra demander à un huissier de pénétrer dans les lieux. Et, enfin, ce dernier saisira le juge d'instance.
"Le juge pourra alors résilier le bail et permettre au locataire de récupérer son logement", explique Philippe Bourgeac, huissier de justice à Paris. Et, pendant ce temps, la facture continue de s'alourdir... Mieux encore : si le locataire a "oublié" de déménager ses meubles, c'est le bailleur qui devra s'en charger ! Jean-Louis a ainsi dû payer l'enlèvement et le garde-meuble pour un locataire expulsé. "C'est le monde à l'envers, s'emporte Mélanie. Il faut faire des pieds et des mains et encore dépenser de l'argent pour récupérer un logement dont on est propriétaire. Le squatteur, de son côté, bénéficie sans arrêt de nouveaux délais."
La loi protège-t-elle trop le locataire au regard du propriétaire ? A priori, ce déséquilibre peut sembler justifié. L'enjeu, pour le locataire, souvent en situation financière délicate, n'est-il pas de conserver un toit ? Mais le bailleur, lui, doit continuer de financer ce toit : charges, impôts et parfois emprunt. Et si lui-même éprouve des difficultés financières, nul fonds de garantie, nulle instance publique pour l'aider. Or, pour lui aussi, la situation peut devenir dramatique. C'est le cas de nombreux bailleurs remboursant un crédit sur leur résidence principale, comme Véronique. Elle est aujourd'hui contrainte de revendre précipitamment sa résidence principale car elle ne peut plus assumer, d'un côté ses propres mensualités et, de l'autre, les 17 000 euros de dettes engendrées par un locataire qui ne règle plus ses loyers depuis début 2010 !

Certains propriétaires renoncent à louer

Pour éviter d'en arriver là, Ludovic, qui a déjà dû faire face à deux impayés, prend désormais les devants : "J'ai mis 5 000 euros de côté pour avoir de quoi voir venir si jamais je rencontrais à nouveau ce problème." Mais bon nombre de propriétaires jettent l'éponge. "Les locations aux particuliers, c'est terminé ! assène Stéphane. Je loue désormais mes appartements en bureaux." D'autres avouent préférer payer une taxe sur les logements vacants plutôt que d'avoir encore à endurer ce parcours du combattant. A trop vouloir protéger le locataire, le risque est bien de faire baisser le nombre de logements mis sur le marché. Une équation difficile à résoudre.
pérer son argent, voire son logement.

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